dimanche, avril 27, 2025

[Tribune Libre] Edith Lucie Bongo Ondimba : une égérie gabonaise d’anthologie et un trait d’union entre les peuples

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Ainsi se souvient le Pr Jean-François Owaye de l’action de l’ex-première dame du Gabon. 16 ans qu’elle a été rappelée à Dieu. 16 ans qu’elle est commémorée. Dans le sillage des manifestations de ce départ vers le monde du silence, ce Professeur titulaire-CAMES-Historien militaire déroule le tapis de ses souvenirs. « L’histoire retient, écrit le Vice-recteur 1 de l’Université Omar Bongo, qu’elle fut une immense mère ; elle était, pour tous les Gabonais, « Maman Edith ». Elle a laissé, dans les cœurs de ses compatriotes, l’indélébile empreinte d’un héroïsme de la béatitude assumée ». Au-delà de cette tribune, Birago Diop [Les contes d’Amadou Koumba] nous renvoie à une réalité à ne jamais oublier : « Les morts ne sont pas morts (…) Ecoute plus souvent ; Les choses que les êtres ; (…) Ceux qui sont morts ne sont jamais partis ; Ils sont dans l’ombre qui s’éclaire ; Et dans l’ombre qui s’épaissit ; Les morts ne sont pas sous la terre, Ils sont dans l’arbre qui frémit… ». Lecture !

« Commémorer, disait Mona Ozouf (1999), est une activité étrange, qui oscille entre la présence et l’absence. » Et, renchérissant, Jean Delumeau (2002) nous éclaire à ce sujet : la commémoration est une réponse à « la civilisation de la vitesse qui nous emporte dans une course sans cesse plus rapide et paraît, comme un torrent, balayer sur son passage les repères qui semblaient les plus solides. » Il est, de facto, impérieux de fixer la mémoire de notre grande dame africaine dans du marbre et les cœurs.

Dans ce sens, nombre de chroniques, d’œuvres poétiques, d’ouvrages, d’articles de presse ont été consacrés au parcours de vie de l’ancienne Première Dame du Gabon, Edith Lucie Bongo Ondimba, par des plumes parmi les plus acérées, des tribuns parmi les plus émérites qui se sont diversement exprimés en miroir, soit avec ses valeurs humanistes reconnues, soit avec son important investissement socio-économique, soit encore avec l’histoire sociopolitique de sa deuxième patrie, le Gabon, où elle s’est révélée au monde et où ses nombreux legs matériels et immatériels s’offrent d’eux-mêmes à l’éternité de sa mémoire.

L’ancienne Première Dame du Gabon, fille biologique du Congo, a été pendant une trentaine d’années, la femme la plus adulée des Gabonais, qui voyaient en elle, « la fille, la sœur, l’amie et la mère ». En 2009, son aura avait dépassé les frontières de ses deux pays pour s’épandre en Afrique, en Europe, notamment en France où elle a été décorée de la Légion d’honneur. Elle a été fidèle à l’éthique scientifique, du haut de son grade de docteur en médecine. Elle fut admise dans nombre de sociétés savantes, devenant même la responsable de l’antenne gabonaise de Médecins du monde et présidente de la Société gabonaise de pédiatrie.

Bien plus, disent d’aucuns, « elle a tutoyé la félicité en ce monde ; ses atours humanistes, ses séduisantes œuvres socio-économiques, son ouverture d’esprit, sa vêture distinguée, son fin sourire », en ont fait une égérie d’anthologie, un patrimoine commun au Gabon et au Congo. La qualité des œuvres bâties et baptisées du nom d’Edith Lucie Bongo Ondimba sont un juste retour de l’histoire. Ces œuvres participent, en effet, à la systématisation du souvenir du parcours de vie de cette forte personnalité, qui a tant donné à l’Afrique, en résonance avec d’autres destins de femmes épouses de chefs d’Etat.

Le Gabon reconnaissant

Le Gabon, reconnaissant, lui a rendu un vibrant hommage national. En effet, les souvenirs sont encore frais dans nos mémoires. Il a été observé, du 14 au 22 mars 2009, un deuil national conformément aux codes républicains et aux traditions africaines consacrées. Dans un communiqué, le Gouvernement gabonais avait, de façon prompte, exprimé le désarroi d’une nation affectée au plus profond d’elle-même, par le drame qu’elle vivait. Qui ne se souvient de la marée humaine qui prit d’assaut l’aéroport International Léon Mba et les différentes artères de Libreville à l’arrivée de la bière ? Qui ne se souvient des hommages inédits organisés durant deux jours, de façon ininterrompue et dans une solennité historique, marquée par la présence, le 19 mars, de nombreux hôtes de marque : les présidents Denis Sassou Nguesso, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, Idriss Deby Itno, Laurent Gbagbo, Fadigue de Menezes, Amadou Toumani Touré, François Bozizé, Faure Gnassingbe, Yayi Boni, le président de la Commission africaine, Jean Ping, et le Secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant ?

Ce fut, incontestablement, la reconnaissance d’un peuple meurtri à l’endroit de l’une des siennes dont la vie l’a profondément impacté. On rappellera, sans exhaustivité, ses grandes œuvres : la « Fondation Horizons Nouveaux » dont la devise était « Un enfant, un être, un avenir qui a besoin de vous » ; la polyclinique El Rapha, qui révéla son être profondément christique : « le médecin soigne, Dieu guérit » ; le complexe scolaire Michel Dirat, le jardin botanique, la résidence dénommée « Oyo » par les Gabonais…

Cet hommage dû à une extraordinaire femme de tête, de cœur et d’action s’est perpétué chaque année, soit à l’initiative de la famille biologique du président Omar Bongo Ondimba, soit à celle des structures socio-économiques qu’elle a créées et qui sont devenues, au fil des ans, de véritables lieux de mémoire. A chacune de ces commémorations, sont rappelées l’essence et l’ampleur de ses combats en faveur de sa patrie de cœur, le Gabon, et de ses compatriotes.

Ce n’est pas révéler des secrets d’alcôve que de dire qu’en moins d’une dizaine d’années, elle est devenue, dans sa patrie de cœur, la principale pierre de l’angle, comme l’a démontré son implication dans la politique sociale, les campagnes électorales de 1993, 1998, 2005, et la diplomatie de paix de son époux et aussi son action sociopolitique en qualité de présidente d’honneur de l’Union des femmes du Parti démocratique gabonais.

L’hommage à la « Mère de la Nation »

Par la force de ses convictions et de ses valeurs intrinsèques, elle a été unanimement admise, avec une surprenante facilité, au rang de « Mère de la Nation gabonaise ». Au début, en raison de son jeune âge, elle aimait à dire, avec l’humour qu’on lui connaissait : « petite mère, mais mère quand même » !

L’histoire retient qu’elle fut une immense mère ; elle était, pour tous les Gabonais, « Maman Edith ». Elle a laissé, dans les cœurs de ses compatriotes, l’indélébile empreinte d’un héroïsme de la béatitude assumée. En effet, tous les Gabonais célèbrent indéfiniment sa noblesse de cœur, sa munificence et les trésors d’ingénierie qu’elle a déployés pour soutenir la politique de la « main tendue de son époux » ayant conduit aux Accords de Paris ; donc à la réconciliation nationale au Gabon. Elle a ainsi apporté sa part de « plume blanche de la Vérité » à la reconstruction politique du Gabon, après le chambardement ayant conduit à la Conférence nationale et à la pente glissante des lendemains de l’élection présidentielle de 1993.

Sur le plan de l’économie sociale, elle a servi les grandes causes humanistes. Il est reconnu son indéfectible engagement pour l’émancipation de la femme gabonaise, la lutte contre la pauvreté, l’accès de toutes les couches de la population à des soins de santé de qualité, l’éducation de l’enfance en difficulté. Elle a porté « sur ses épaules les enfants handicapés », parce que, disait sa fille Yacine, « on n’a pas besoin de discrimination dans ce monde. »

Le matrimoine

Pour comprendre la phénoménologie de l’éternité de son souvenir dans les cœurs des Gabonais, il faut replonger dans le contexte de son mariage conclu le 4 août 1990 avec Omar Bongo Ondimba. D’elle, les Gabonais tiennent la révolution de leur perception du rôle d’une Première Dame. En effet, en Afrique, il se disait ceci : « le Prince est bon mais […] son entourage est mauvais – et qui peut mieux représenter ce dernier que sa propre épouse ? », se demandait un contemporain, surtout quand celle-ci vient d’ailleurs.

Edith Lucie Bongo Ondimba démontra qu’en ce qui la concernait, il s’agissait d’un ailleurs-proche. Elle ne venait que du Congo voisin, pays étroitement lié au Gabon, par la géographie et l’histoire, qui plus est, habités par les mêmes peuples, et entretenant une relation politique particulière, quoique parfois perturbée par des anomies historiques.

Elle s’est révélée être une femme de caractère, fortement attachée au Gabon dont elle a défendu les intérêts. Elle fait passer la Première Dame du Gabon de l’effacement à une visibilité accrue grâce, notamment, dans le cadre l’Organisation des premières dames d’Afrique pour la lutte contre le Sida (OPDAS) qu’elle a contribué à créer en 2002, et dont elle avait assuré, avec une remarquable célérité, la première présidence tournante.

Ses plaidoyers pour la prise en charge des personnes atteintes du VIH/Sida ont permis de mettre sur pied, au Gabon, les Centres de traitement ambulatoires (CTA) et d’insuffler une éthique de vie dans le tissu comportemental des cadres et hauts dignitaires de la République ; l’adoption d’un Plan stratégique national multisectoriel de lutte contre le VIH/Sida (2001-2005) ; la politique de gratuité des tests de dépistage et des antirétroviraux (ARV) pour toutes les lignes thérapeutiques adoptées en 2005 ; la politique « Tester et traiter » qui a fait chuter le taux de prévalence au Gabon.

Elle a ainsi contribué à donner au statut de Première Dame, une solennité inattendue de porteuse d’idées car, comme le disait John Lucas (1992, p. 21), « les idées n’emportent que lorsqu’il est des hommes ou des femmes qui les incarnent. »

 Le plus édifiant est qu’elle a été et reste pour les Gabonais, une « bonne femme », à l’image de Ruth, travailleuse et attentionnée.

Il n’est pas exagéré d’emprunter les mots de Pierre Loti (1892) pour parler de notre égérie : « Sa vie toute d’honneur pur, de délicatesse rare, […] a coulé comme une belle eau limpide, jamais effleurée même d’une souillure de surface. »

 Comme il se dit en Afrique : « La peine tue ». En effet, seulement trois mois après le décès de son épouse, Omar Bongo Ondimba, le patriarche, passa, lui aussi, de vie à trépas.

Jean François Owaye

Professeur titulaire-CAMES-Historien militaire

Vice-recteur 1 de l’Université Omar Bongo Commandeur dans l’Ordre du Mérite congolais, à titre exceptionnel

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