Parmi les quatre candidats jugés aptes par le ministère de l’Intérieur à participer à l’élection présidentielle du 12 avril prochain, Joseph Lapensée Essingone apparaît comme une personnalité acculturée à l’environnement politique gabonais. Pour la majorité des Gabonais, même parmi la population du Moyen-Ogooué, sa province natale, son nom est inconnu au bataillon.
Pour les habitants des savanes herbeuses d’Afrique, « on ne mesure pas la profondeur d’un marigot avec la jambe. » Autrement dit, on ne peut juger quelqu’un ou quelque chose par le seul examen d’acuité visuelle.
On sait aussi qu’en politique, comme dans toutes les circonstances où l’adresse et la promptitude sont des éléments de réussite, rien n’est gagné, ni perdu d’avance. Mais la candidature de Joseph Lapensée Essingone semble une véritable gageure dans la course à la fonction la plus élevée du pays, où tous les coups semblent désormais permis.
Si ses capacités intellectuelles sont des plus admirées – il est Inspecteur des Impôts -, sa popularité est une véritable inconnue. Alors que, dans les systèmes démocratiques, les plus valeureux intellectuellement et même matériellement ne sont point forcément les plus méritants.
L’ancien guide libyen, Mouammar Kadhafi, disait à ce propos que « la démocratie est la dictature de la majorité sur la minorité ». Même si cette minorité est des plus méritantes, le nombre est déterminant. Ce qui pourrait défavoriser le natif du Moyen-Ogooué dans ce marathon électoral dont l’issue sera connue le 12 avril prochain.
Certes, l’homme a de quoi faire valoir. Ses acquis universitaires et son expérience professionnelle, qui ne sont guère à négliger, pourraient bien être des atouts pour le développement du Gabon.
Après des études supérieures sanctionnées par les diplômes exceptionnels au Gabon et en France, Joseph Lapensée Essengone est un haut fonctionnaire au service de son pays au ministère des Comptes publics et de la Dette. Mais pour accéder au fauteuil présidentiel, une autre paire de manches, Joseph Lapensée Essengone devrait faire le plein des voix, qu’elles soient de l’intelligentsia comme du peuple.
Une possibilité s’offre tout de même au nouveau venu dans l’arène politique : le soutien des partis, associations ou personnalités politiques. Car, l’expérience des dernières élections présidentielles (2016 et 2023) peut attester des surprises que peut cacher une candidature. En effet, en 2016, même si Jean Ping était connu dans le paysage politique, pour avoir été membre du gouvernement pendant longtemps et président de la Commission de l’Union Africaine (UA), personne ne l’attendait à une élection présidentielle. Sa proximité avec le régime de l’époque le disqualifiait ou, en tout cas, ne lui permettait pas de partir avec des pronostics favorables.
Mais les soutiens de plusieurs personnalités de la classe politique, notamment de certains candidats déclarés, ont fait de lui le challenger qui avait envoyé le candidat du Parti démocratique gabonais (PDG) alors au pouvoir dans les cordes. Il avait fallu des calculs assez alambiqués pour sauver le soldat Ali Bongo.
Aujourd’hui, Joseph Lapensée Essengone pourrait transformer le handicap de personnalité inconnue en avantage. Avec quelques soutiens, comme cela a été pour Albert Ondo Ossa, dont le succès a surpris les Gabonais en 2023, face au même Ali Bongo que le Code électoral, taillé sur mesure, n’avait pu sauver, l’inspecteur des Impôts, qui veut faire valoir ses compétences au service de son pays, pourrait jouer sa partition. Il n’est guère plus désavantagé que ses concurrents.