Le Centre national de recherche et d’expérimentation en bâtiment et travaux publics, établissement public clé dans la garantie de la qualité et de la conformité des infrastructures au Mali, traverse une crise profonde. Alors que sa mission première est de soutenir l’art de construire à travers la recherche, les études et le contrôle des travaux, le centre est aujourd’hui au bord de l’asphyxie, selon les témoignages poignants de ses employés.
Karim Coulibaly, secrétaire général du syndicat du CNREX-BTP, a exprimé avec une vive inquiétude les conditions de travail devenues insoutenables au sein de l’établissement. «Les travailleurs d’ici sont fatigués. Beaucoup ont arrêté de venir», a-t-il déclaré, révélant une situation alarmante où le personnel ne perçoit plus de salaire depuis un an et cinq mois.
Face à cette situation, une question lancinante taraude les esprits des travailleurs de cet établissement : «Est-ce que le ministre des Transports et des Infrastructures veut fermer notre service ?» Cette interrogation traduit un sentiment d’abandon et d’incompréhension face au silence persistant de leur ministère de tutelle. Selon Karim Coulibaly, Secrétaire général du syndicat de cet établissement affilié à l’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM), deux correspondances ont été adressées au ministre des Transports et des infrastructures pour solliciter une audience, restées jusqu’à présent sans la moindre réponse. Un silence que le syndicaliste qualifie de «mépris» envers les travailleurs.
L’ironie de la situation
Les employés du CNREX-BTP ne réclament pas une aide financière directe, mais plutôt la reconnaissance de leur expertise et l’octroi de marchés publics relevant de leur domaine de compétence. «C’est notre service rendu qui nous paye», insiste Karim Coulibaly. Il souligne l’ironie de la situation où, malgré les nombreux chantiers en cours dans le pays, notamment les routes de Kayes, Kati et Sirakoro Meguetana, le CNREX-BTP y est systématiquement écarté. Cette exclusion soulève des interrogations sur la transparence et l’efficacité de l’attribution des marchés publics. «Comment peut-on comprendre que ton propre service qui n’a pas de travail, tu empêches le marché à ton service et donner le marché à un particulier ?» s’indigne le secrétaire général du syndicat. Il met en lumière les conséquences potentiellement désastreuses de cette pratique, affirmant que les entreprises privées bénéficiaires de ces marchés manquent souvent des compétences et des équipements nécessaires, contribuant à la dégradation rapide des infrastructures. «C’est pourquoi d’ailleurs les routes se dégradent très rapidement puisqu’elles ne répondent pas aux normes», alerte-t-il.
Un nouveau Mali
Face à cette crise, Karim Coulibaly lance un appel direct au Président de la Transition, Assimi Goïta, l’invitant à intervenir pour régler ce problème. «Nous voudrions dire ceci à Assimi, il promet un nouveau Mali, la souveraineté. Donner son propre marché à son propre service, c’est ça la souveraineté.»
L’amertume est patent lorsqu’il évoque le projet de centrale solaire, pour lequel le CNREX-BTP avait également manifesté son intérêt auprès du ministère des Transports, en vain. Le marché aurait été attribué à un privé, suscitant à nouveau des doutes sur les capacités réelles de l’entreprise sélectionnée. «Le privé bénéficiaire n’a ni la compétence ni les matériels pour l’exécution de ce travail. Ils se font passer pour un laboratoire pour chercher le marché, après ils viennent traiter avec nous, puisqu’ils n’ont pas la capacité de le faire. Nous acceptons parce que nous avons besoin de cet argent pour payer nos personnels.»
Traverser des périodes bien plus difficiles
Le syndicat déplore l’attitude du ministre de tutelle, d’autant plus que le CNREX-BTP a su traverser des périodes bien plus difficiles depuis son existence, depuis l’indépendance du Mali.
A signaler que la situation critique du CNREX-BTP soulève des questions importantes sur la place et le rôle des institutions publiques dans le développement du Mali. La capacité du gouvernement à soutenir et à valoriser ses propres structures, garantes de l’expertise et de la qualité, est un enjeu majeur pour l’avenir des infrastructures et, plus largement, pour la crédibilité de l’action publique.
L’appel pressant des travailleurs au Président de la Transition attend désormais une réponse concrète pour éviter la paralysie d’un centre vital pour le secteur du BTP au Mali.
LE MALI EST SUR LA VOIE DE CHANGEMENTS. Quelles sont les difficultés auxquelles ce peuple est-il confrontées?