Ce dimanche de rameaux, le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité a livré l’avant-dernière étape du scrutin, avant la proclamation officielle par la Cour constitutionnelle des résultats du scrutin du 12 avril 2025. Le plébiscite du candidat des Bâtisseurs dans toutes les provinces, y compris l’Estuaire et l’Ogooué-Maritime, vient de mettre un terme à ce qui semblait comme une malédiction pour le président en fonction.
Depuis 1993, date de la première élection présidentielle sous l’ère démocratique, aucun président en fonction n’a remporté le scrutin dans l’Estuaire et dans l’Ogooué-Maritime. Cette exécration vient d’être vaincue par le « libérateur » du 30 août 2023. Le scrutin du 12 avril a, en effet, connu tous les superlatifs à Libreville et ses environs, mais aussi à Port-Gentil. Deux villes qui ont toujours été considérées comme des citadelles imprenables pour les présidents en fonction. Même si l’on peut considérer qu’en 2005, Omar Bongo avait fait un score remarquable dans l’Estuaire, l’opposition de l’époque, essentiellement menée par Pierre Mamboundou, avait remporté la majorité des voix dans la capitale et à Port-Gentil.

Les membres de la coordination provinciale peuvent applaudir : l’attente fut parfaite autour de C’BON.
Tout a commencé en décembre 1993. Au cours de la première présidentielle démocratique, le président Omar Bongo en lice contre plus d’une douzaine de candidats, n’avait eu le salut que grâce aux voix de l’hinterland.
On se rappelle encore cette élection où la capitale gabonaise avait été transformée en une « ville occupée », où les chars de guerre avaient remplacé les véhicules de transport public dans les rues. Le couvre-feu imposé avait fini par faire de Libreville une ville sous occupation militaire.
La fronde menée par le Rassemblement national des bûcherons
Le régime d’Omar Bongo n’avait eu la vie sauve que grâce à l’intervention de l’armée française dans la capitale économique, face à la fronde menée par le Rassemblement national des bûcherons de Paul Mba Abessole et le Parti gabonais du progrès (PDG) de Pierre-Louis Agondjo-Okawè.

Le peuple de l’Estuaire était là.
En 1998, c’était au tour de l’Union du peuple gabonais (UPG) de Pierre Mamboundou de mettre le régime d’Omar Bongo sous pression, en remportant largement le scrutin à Libreville et à Port-Gentil. Ce qui a fait dire à plusieurs observateurs de la scène politique que ces deux villes constituaient des bastions imprenables pour les régimes en place.
L’ère d’Ali Bongo n’a guère fait meilleure figure. En 2016, comme en 2009, le président déposé par les militaires, le 30 août 2023, après un « scrutin tronqué », n’a jamais bénéficié d’une quelconque mansuétude des électeurs de ces deux villes. Pourtant, Libreville et Port-Gentil avaient toujours battu les records de mobilisation. Mais à la fin et dans les urnes, cela s’est toujours soldé par une bérézina. C’est pourquoi, plusieurs sceptiques avaient croisé les doigts le 12 avril, s’attendant à un remake des années passées.
La hantise du signe indien
L’annonce des résultats provisoires par Hermann Immongault, le lendemain du vote, a donc sonné comme une seconde « libération ». Comme indiquait Léonard de Vinci, « la nature est remplie d’une infinité de raisons dont l’expérience n’a jamais vu la trace ». La hantise du signe indien demeurait dans les esprits. Même si, depuis les premières heures de la matinée, l’élection semblait pliée. La population, comme dans une communion de pensées, appréhendait la duplicité qui avait toujours caractérisé les électeurs sous les Bongo.
Mais à la fermeture des bureaux de vote, Libreville, à défaut d’une joie populaire, attendait l’annonce des résultats, provisoires fussent-elles, pour se sentir libérée. Les 212 805 voix, soit 93,11% des suffrages de l’Estuaire, ont donc largement contribué à la victoire écrasante jamais acquise auparavant par un président en fonction.
Brice Clotaire Oligui Nguema peut se vanter d’avoir vaincu une malédiction de dizaines d’années. La Coordination provinciale de l’Estuaire, amenée par Alexandre Barro Chambrier et son équipe, peut se réjouir d’avoir fait le job : ratisser large pour C’BON. L’annonce du ministre de l’Intérieur a donc sonné comme une victoire, pas seulement pour Brice Clotaire Oligui Nguema, mais contre le signe indien, qui a caractérisé les précédentes présidentielles depuis plus de trente ans.
Dans les quartiers, les populations se sont laissé aller à l’euphorie, d’autant plus qu’aucun engin de guerre n’était visible dans les rues. Enfin !