Depuis quelques jours, la presse gabonaise privée est en ébullition. En cause, un personnage qui s’est imposé au cœur d’une polémique où il n’a pourtant aucun rôle officiel : Stéphane Zeng, ancien activiste très suivi sous le régime d’Ali Bongo, aujourd’hui directeur du Centre gabonais de l’innovation, il a troqué son costume d’observateur engagé contre celui de défenseur virulent – et insultant – de la ministre de la Communication. Qu’il est loin le temps où il s’érigeait en donneur de leçon de bonne gouvernance. Laurence Ndong avait-elle besoin d’une telle « lumière » ?
Sur sa page Facebook, Stéphane Zeng, s’est livré à une série de publications méprisantes, traitant les journalistes de « journaleux », de « merdes », d’ »incompétents », accusés de « chantage ». Dans ce qu’il présente comme une mise au point, il affirme que tout a été fait dans les règles, que la ministre est irréprochable et que seuls les organes remplissant les critères ont bénéficié de la subvention (79 sur 102).
Mais ce rôle d’avocat autoproclamé soulève une question essentielle : pourquoi un directeur général d’un service administratif sans lien avec le ministère de la Communication se mêle-t-il d’un dossier aussi sensible, au point d’envenimer davantage les tensions ? Cette confusion de rôle remet au goût du jour la problématique du casting au Gabon. Voilà un directeur général qui se prend pour l’avocat porte-parole du ministre de la Communication au moment où on l’attend sur les dossiers de l’innovation technologique.
Une subvention rétablie, une répartition contestée
Sous Ali Bongo, la subvention annuelle à la presse avait fondu jusqu’à 120 millions de FCFA. L’arrivée de Brice Clotaire Oligui Nguema en 2023 a marqué une rupture, avec une réévaluation de l’enveloppe à 500 millions de FCFA, renouant avec le montant initial fixé en 2003 par Omar Bongo. Objectif : garantir la survie des médias privés et favoriser un écosystème de presse libre et viable.
Mais rapidement, les critiques ont émergé : prélèvements de 10 % pour la commission de répartition, 15 % retenus à la source par le Budget et, surtout, une répartition jugée opaque et inéquitable. Plusieurs organes n’ayant rien perçu, des voix se sont élevées pour dénoncer le flou.
Face à la pression, le très discret porte-parole de la présidence de la République, Dr Max Olivier Obame (lors de la conférence de presse du 20 février 2025, Ndlr) a rappelé que la totalité de l’enveloppe devait être versée aux bénéficiaires. Pourtant, la confusion persiste, nourrie par l’absence de transparence sur les noms des bénéficiaires et les montants perçus.
La réponse cinglante de la presse
Guy Pierre Biteghe, directeur de publication du journal Le Mbandja, a pris la parole pour fustiger l’intervention de Stéphane Zeng. Il reconnaît la validité des critères d’éligibilité évoqués par ce dernier, mais pointe les véritables problèmes : l’absence de publication officielle de la liste des bénéficiaires, la présence présumée d’organes fantômes, et l’arbitraire des montants alloués. « Ce que nous demandons est simple, dit-il, qu’on publie la liste avec les montants. C’est de l’argent public, les Gabonais ont droit à la transparence. »
Selon lui, cette opacité alimente les soupçons de favoritisme, voire de corruption. « Stéphane Zeng pense défendre Laurence Ndong, mais il ne fait que la desservir« , conclut-il.
Une sortie qui fait écho à celle de nombreux autres professionnels des médias, choqués par la virulence des propos de Zeng et inquiets du silence persistant des autorités.
Laurence Ndong : silence stratégique ou maladresse ?
La ministre de la Communication n’a, à ce jour, pas publié la fameuse liste. Pourtant, aucun élément concret ne permet de l’accuser formellement de détournement ou de malversation. Le vrai débat est ailleurs : le manque de communication, l’absence de clarification officielle et, surtout, l’espace laissé à des figures comme Zeng pour parler à sa place.
Pour sortir de la crise, un seul geste suffit : réunir la presse, publier les noms et les montants, et expliquer les critères appliqués, comme autrefois sous Omar Bongo. C’est à ce prix que la sérénité pourra revenir, et que la confiance entre les médias et le ministère pourra être restaurée.
En attendant, c’est une guerre de communication qui se joue – et dans cette guerre, les insultes ne remplacent pas la transparence.